Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

charge morale de ses frères, et mon Gaétan est un vrai Regbrenz. Tu sais ce que ce mot renferme de promesses et de menaces…

» Mes pauvres enfants !… Toujours malade, tourmentée de corps et d’esprit, je les tenais éloignés de moi et, sachant que je devais les quitter prématurément, j’évitais de leur laisser voir ma tendresse. Nul ne se doute de l’amour passionné que je leur porte, nul n’a compris mon déchirement à cette pensée de les laisser bientôt… Et une angoisse nouvelle s’est, depuis quelques jours, ajoutée aux autres. Alix, si Philippe venait à disparaître après moi, les tuteurs légaux seraient mon père et Even, et mes enfants risqueraient — oh ! quelle pensée ! — de tomber entre les mains de Georgina ! Jamais !…J’aimerais mieux, vois-tu, qu’ils meurent tous trois devant moi !

» J’ai fait promettre à Philippe d’arranger ses affaires de manière à éloigner toute crainte à ce sujet et, dans mon absolue confiance en ton pardon généreux, je te charge, chère Alix, de rappeler cette promesse à mon bon mari, un peu oublieux et fort ennemi des préoccupations d’affaires. Que jamais mes enfants ne connaissent Bred’Languest tant que Georgina y pourra exercer quelque influence.

» Adieu, Alix chérie, pardonne-moi, car je vais mourir. J’ai tout oublié… tout, entends-tu, mais je n’ai pas le courage de les revoir. Pour eux tous, j’ai offert mes dernières souffrances… Au revoir près de notre Père céleste.

» Gaétane. »


Alix replia les feuilles et appuya son front à la vitre. Vaguement, elle regardait le jardin ombreux et fleuri, dont la tempête agitait sans relâche les vieux tilleuls. Dans ces allées étroites, serpentant entre les plates-bandes débordantes de fleurs, Gaé-