Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/166

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Est-ce vrai ? dit une voix brève, entrecoupée par l’émotion.

M. de Regbrenz s’était rapproché et, penché vers sa petite-fille, attendait la réponse.

— Oui, grand-père, c’est l’absolue vérité, répondit-elle fermement. La douleur de sa séparation d’avec vous a causé en partie la mort de ma mère.

Sans prononcer une parole, le vieillard alla s’asseoir près de la fenêtre, la tête tournée vers la vitre, afin que l’on ne vît pas son visage. Des doutes, de lourds remords s’agitaient peut-être dans cette âme… Le souvenir d’une enfant autrefois chérie amenait des regrets, prélude du repentir.

— Pauvre Gaétane, je ne l’ai jamais oubliée non plus, dit mélancoliquement Even. Aux jours les plus sombres, les plus coupables, son image, fière et attristée, s’est présentée à mon esprit comme un reproche ou une évocation des années heureuses… Les belles années où j’aimais mon Dieu et caressais des rêves si purs de sacrifice et d’entière immolation.

Il soupira douloureusement et appuya avec lassitude son front sur ses mains enlacées.

— Rêves célestes, si vite envolés aux menteuses paroles d’une impie ! murmura-t-il amèrement. Celui qui convoitait les ineffables délices du Christ est devenu le dernier des misérables… Alix, il y a des moments où je doute que le pardon puisse atteindre mon indignité.

La jeune fille joignit les mains en rencontrant ce regard tourmenté, empreint d’une effrayante anxiété.

— Oh ! pas cela, mon oncle !… ne dites pas une telle parole ! Jésus, notre adorable Rédempteur, lave dans son sang les crimes les plus épouvantables… Vous le savez bien, mon oncle !

— Oui, je sais, dit-il doucement, mais cette confiance inaltérable, si naturelle à votre âme inno-