Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/172

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que tu blasphèmes, car si tes infamies m’avaient été révélées il y a quelques mois, alors que je subissais un intolérable martyre de remords et de désespoir, je ne sais à quelles extrémités je me serais porté… Tiens, va-t’en, toi qui es la honte de notre famille. Je n’ai plus l’âme assez chrétienne pour te pardonner, mais je te méprise… Va-t’en !

Il se détourna brusquement sans prêter attention aux mots menaçants jaillissant des lèvres de Georgina et s’éloigna dans la direction du salon… Là s’étaient retirés M. de Regbrenz et Alix, afin de laisser le prêtre seul avec la mourante. Affaissé dans un fauteuil, le vieillard songeait tristement, tandis qu’Alix égrenait son chapelet avec ferveur. Près de la porte vitrée, les deux petits garçons jouaient sans entrain à un jeu paisible.

Even vint s’asseoir près de sa nièce et demeura silencieux, regardant glisser les grains d’ivoire entre les doigts de la jeune fille. Se demandait-il combien de grâces étaient le prix de ces invocations à la Reine du ciel ? Ou bien, au sortir de ce contact avec la créature odieuse qui était sa sœur, se complaisait-il dans la contemplation de cette âme charmante ?… cette petite âme toute radieuse de céleste blancheur, qui le ramenait invinciblement au Dieu de sa jeunesse. Celui qui aime les cœurs purs, mais accueille avec une infinie tendresse le pécheur pénitent.

Le départ du prêtre, l’arrivée du docteur vinrent enlever le père et le fils à leurs réflexions et Alix à ses prières. Comme l’avait tout à l’heure prévu Even, l’état de Mme de Regbrenz était désespéré et les heures désormais comptées… Le médecin se retira bientôt. Près de la mourante demeurèrent son mari, Even et Alix, ainsi que la fidèle Mathurine. Miss Elson, en prévision d’une nouvelle nuit de veille, s’était retirée pour prendre quelque repos.