Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/38

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promontoire. Un homme sortait précisément de la maisonnette noire, se dirigeant d’un pas nonchalant vers une petite anse où se balançait une barque ornée d’un mât. De cette distance, on ne pouvait distinguer le visage du personnage, d’ailleurs coiffé d’un large chapeau retombant. Il était de haute taille et paraissait vêtu grossièrement. Ayant atteint la barque, il sauta dedans et, saisissant les avirons, s’éloigna lentement.

Il flânait sur la mer, évoluant en courbes gracieuses, tantôt se rapprochant de terre, un peu après devenant un gros point noir à l’horizon… Et enfin il disparut derrière les roches énormes dont le littoral était bordé.

Gaétan, qui ne l’avait pas quitté du regard, se retourna vers sa sœur.

— Je voudrais savoir ramer pour me promener comme cela, dit-il avec un désir ardent dans ses beaux yeux gris. J’apprendrai… dis, Alix ?

— Oui, oui, bien certainement, répondit-elle, heureuse de le voir prendre intérêt à quelque chose. Tu auras tout ce qu’il faut pour devenir fort et vigoureux…, ce qui ne devra pas te faire oublier un autre travail, mon Gaétan.

Subitement, la physionomie de l’enfant se transforma. Le front plissé profondément et le regard dur, il répondit d’un ton bref :

— Je ne travaillerai plus… Puisque vous me forcez à venir ici, je ne veux plus m’occuper d’études. Je deviendrai un paysan…

Et ce n’était pas là une simple bravade d’enfant boudeur… La farouche résolution étincelant dans les yeux de Gaétan le démontrait clairement. Il y avait dans ce regard une promesse de luttes sans nombre contre cette volonté opiniâtre…, mais, pour l’instant, Alix jugea prudent de laisser tomber le