Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/49

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en partie — gisaient pêle-mêle d’autres toiles. Alix s’approcha et en retourna plusieurs pour les examiner.

Il y avait là des costumes de tous les temps, depuis l’armure et le heaume emplumé des chevaliers jusqu’au fichu de mousseline et au bonnet garni de dentelle d’une jeune femme contemporaine de la Révolution. Tous ces seigneurs et plusieurs de ces nobles dames présentaient le type parfait des Regbrenz : la chevelure d’un blond admirable, les yeux gris à l’expression profonde et charmeuse, l’allure fière, souvent hautaine, tempérée, chez les femmes, par une grâce extrême.

Deux portraits concentrèrent surtout l’attention d’Alix : un jeune seigneur vêtu de velours noir, coiffé d’un grand feutre Louis XIII, dont la longue plume retombait sur ses cheveux blonds, et un chevalier couvert d’une riche armure. Ils étaient de la même race — on ne pouvait le méconnaître à certains traits caractéristiques — et cependant, comment comparer la belle physionomie du premier, éclairée par le lumineux et fier regard de ses grands yeux gris, à celle du chevalier, jeune encore, mais creusée de rides précoces, endurcie par quelque implacable souci ?… L’un était l’incarnation de la jeunesse radieuse, vibrante d’ardeur et de foi ; l’autre laissait voir dans ses yeux mornes une désillusion amère… Ce regard farouche et dur fit frissonner Alix. Elle retourna le tableau et jeta un coup d’œil autour d’elle avant de rebrousser chemin.

Là-bas, au bout de la galerie, se voyait une large porte de chêne à deux battants. La jeune fille eut un instinctif mouvement de recul en s’apercevant que l’un d’eux s’ouvrait lentement…

Avant qu’elle eût le temps de s’éloigner, une forme masculine se dressa sur le seuil… N’était-ce pas le chevalier qu’elle regardait tout à l’heure ? Cette