Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/53

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quels l’institutrice et Alix répondaient brièvement.

M. de Regbrenz semblait fort renfrogné et Even demeura absolument muet. Il mangeait avec appétit, se versait de grands verres de cidre qu’il avalait d’un trait et ne s’occupait en aucune façon des enfants de sa sœur.

À la dérobée, Alix l’examinait avec attention. Maintenant, elle découvrait en cet homme, vieilli avant l’âge, une vague ressemblance avec sa mère, comme une image très altérée de la belle marquise de Sézannek… Cet être impassible devait être en proie à quelque souffrance étrange, annihilé sous une force inconnue. On ne pouvait expliquer autrement sa glaciale indifférence envers ceux qui l’entouraient, son regard tout à la fois morne et farouche, les rides profondes de son front élevé… En le voyant ainsi, vêtu pauvrement, la barbe et les cheveux en désordre, Alix se demandait avec stupeur si elle avait bien entendu, si c’était là véritablement cet Even dont elle s’était fait un tout autre portrait.

— Georgina, j’ai un mot à te dire, annonça-t-il au moment où l’on se levait de table.

Il avait une belle voix pleine et grave, et, debout, développant sa taille élevée et souple, il possédait, malgré ses vêtements grossiers, une incontestable distinction.

Tandis que le frère et la sœur se retiraient dans l’embrasure d’une fenêtre, Alix sortit à la suite de ses grands-parents… Au moment où elle posait le pied sur la première marche de l’escalier de la tour, elle sentit une main se poser sur son épaule et, avant de s’être retournée, elle devina la présence de Georgina à l’instinctif frisson qui la secouait sous cet attouchement.

— Une petite communication que j’ai à vous faire, Alix… Vous êtes allée, ce matin, dans les appartements inhabités ?… En premier lieu, je dois vous