Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/57

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haletant. Elle en fait de belles, la maudite !… Oser prendre sa chambre, à elle !… à elle !…

— Qu’y a-t-il donc, Mathurine ? s’écria anxieusement Alix.

— Plus bas, plus bas ! dit-elle en jetant autour d’elle un regard craintif. Mademoiselle, c’est Mme Orzal qui se permet de prendre pour elle la chambre de votre mère !

La chambre de maman !… Oh ! murmura Alix avec une stupeur douloureuse.

— Oui, elle a osé ! Elle n’a pas peur que son fantôme lui apparaisse et que ces meubles se précipitent sur elle pour l’étouffer… Et cependant !… tenez, mademoiselle, j’en tremble de rage rien que d’y penser ! Montez par ici, vous allez voir cela.

Elle désignait l’escalier conduisant aux étages supérieurs de l’aile droite. Sans réfléchir davantage, Alix s’y engagea. Elle avançait comme en un rêve, ne voyant rien autre chose que cette chambre profanée par celle qui avait haï sa mère et était, de toute vraisemblance, la cause de ses plus grandes souffrances.

— Mademoiselle…

Elle se détourna un peu et vit derrière elle Mathurine qui l’avait rejointe dans l’escalier.

— Mademoiselle, n’y allez pas ! dit la Bretonne avec une subite terreur. J’ai eu tort de vous le dire… y allez pas, elle est si mauvaise !… Oh ! mademoiselle !…

Mais, sourde à cette voix suppliante, Alix montait toujours. Devant elle, par une porte ouverte, elle vit une grande pièce d’où les emménageurs sortaient quelques meubles démodés et fanés pour y substituer ceux du petit salon de M. de Sézannek… Alix traversa cette salle et se trouva au seuil d’une chambre où, déjà, se groupait le mobilier d’un luxe sobre et délicat qui avait été celui de sa mère.