Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/62

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entra et en ressortit presque aussitôt, une carabine sur l’épaule. D’un pas nonchalant, il se dirigea vers le parc.

Alix avait reconnu Even de Regbrenz. Cette vieille petite maison était son pied-à-terre lors de ses excursions maritimes… Et, en vérité, ce misanthrope devait être là à souhait, en ce lieu paisible et sauvage, devant la grandiose perspective de la mer grise et des rochers magnifiques, mais si sombres !…

Even avançait rapidement, le front baissé, son large chapeau de paille rejeté en arrière. Bientôt il ne fut plus qu’à une courte distance des enfants et, alors seulement, il les aperçut… Instantanément, ses sourcils se froncèrent, sa physionomie, une seconde auparavant seulement indifférente et rêveuse, refléta une violente irritation. Néanmoins, feignant de ne pas remarquer la présence de ses neveux, il gagna sans se presser la petite porte de la terrasse et disparut.

— Alix, c’est pas un oncle, ça ! dit le petit Xavier en venant appuyer ses bras sur les genoux de sa sœur. Il ne nous dit rien et il a l’air méchant… tu t’es trompée !

Hélas ! comme elle l’aurait voulu, pauvre Alix !… Mais c’était bien lui, son oncle… C’étaient eux, son grand-père et sa tante, qui rivalisaient d’indifférence et d’égoïsme envers ceux qu’ils avaient appelés sous leur toit. Malheureusement, c’étaient bien eux…

— Tu vois comme j’avais raison en te disant de ne pas venir ! Ils nous détestent tous… Pourquoi, Alix ?

C’était Gaétan qui parlait ainsi. Assis près de sa sœur. Il ne nous dit rien et il a l’air méchant… Le regard ardent tourné vers l’Océan, il avait prononcé ces mots sans se retourner, d’une voix rêveuse et grave qui fit tressaillir Alix.

Pourquoi ?… Ce serait là, désormais, la continuelle interrogation de ces bouches enfantines.