Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/66

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tendre qui animait le regard du comte Hervé penché vers sa jeune femme ?… Et la fraîche beauté, la grâce de Mme de Regbrenz, la gaieté éclairant ses yeux bleus, ses pauvres yeux si vagues aujourd’hui ?

Alix eut un soupir mélancolique et, pour chasser les pensées fâcheuses qui lui arrivaient en foule, elle alla soulever le couvercle du piano… Quelques minutes après, les premières notes d’une sonate de Beethoven résonnaient dans la vaste pièce.

Absorbée par son jeu, Alix n’aperçut pas une forme mince qui arrivait doucement et s’arrêtait à la porte… Quand la dernière note se fut éteinte, la jeune fille se retourna et vit Mme de Regbrenz. L’aïeule écoutait, les mains jointes, une expression d’extase dans ses yeux pâles.

Alix se leva et s’avança vers elle.

— Cela vous fait plaisir d’entendre de la musique, grand-mère ? demanda-t-elle doucement en lui prenant la main.

— Oui… oui, encore !… C’est Gaétane qui joue, n’est-ce pas ? dit la voix hésitante de la vieille dame.

— Mais non, chère grand-mère, c’est moi, votre petite-fille… Alix de Sézannek.

Mme  de Regbrenz la regarda sans comprendre. Alix répéta :

— Je suis votre petite-fille… l’enfant de votre fille Gaétane… Vous l’aimiez bien, n’est-ce pas, grand-mère ?

La vieille dame secoua vaguement la tête et, de son pas chancelant, s’avança jusqu’au piano. Ses doigts frêles et blancs se posèrent sur les touches, qui résonnèrent plaintivement.

— Elles pleurent ! murmura-t-elle avec tristesse. Elle aussi a pleuré… Pourquoi donc ?… Pourquoi ?…

Elle passa la main sur son front ridé en répétant :