Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/94

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mélancolie. La religion seule a pu adoucir et maîtriser cette âme orgueilleuse… Even, quoique à un degré moindre, avait aussi, à cet âge, quelques moments terribles.

— Il en a bien encore ! dit tristement Alix. Et elle raconta à Mlle de Regbrenz la scène du matin.

— Pauvre cousin, en quel état est-il tombé ! Savez-vous, Alix, qu’il était cité comme un modèle de courtoisie et de politesse délicate ?… Quelle transformation !… et que cette Georgina a bien manœuvré !

— Mais enfin, ma cousine, dans quel but ?

Alix de Regbrenz ferma les yeux et se recueillit quelques instants…, puis elle saisit la main de sa jeune parente et la serra doucement.

— Écoutez, ma petite fille, je vais vous apprendre quelque chose qui peut, un jour, vous être utile. Il est bon d’être instruit du défaut de ses adversaires… Vous savez peut-être que votre aïeul, mon oncle Hervé, était extrêmement dépensier et ami du luxe, ce qui l’amena à une ruine presque complète ; il se trouva réduit à venir vivre dans ce vieux Bred’Languest, avec de fort minces revenus. Mais, tandis que Gaétane était mise pensionnaire chez les Ursulines de Vannes, Georgina, toujours habile, obtenait de demeurer près de ses parents, en suivant les cours par correspondance que venait d’organiser une institutrice de Nantes. Avec son extrême intelligence, ce système réussit d’ailleurs parfaitement… Mais, pendant que sa sœur était éloignée, elle s’occupait à lui nuire dans l’esprit de son père en s’efforçant de se rendre elle-même indispensable. Lentement et sûrement, elle prenait un extrême ascendant sur cet homme autoritaire, mais très accessible à la flatterie et aux petits soins. En sa fille aînée, il retrouvait quelques-uns de ses instincts personnels, son amour de bien-être et d’ostenta-