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L’ONDINE DE CAPDEUILLES


— Pas trop, ma petite Rosey. En général, c’est toujours le même sujet, accommodé à une sauce différente. Quand cette sauce est originale, passe encore. Mais quand même, vous savez, j’en ai l’esprit rebattu.

— Alors, pourquoi y allez-vous ?

— Par habitude, je pense. C’est très sot, les habitudes, voyez-vous, Rosey.

Il souriait. Mais en lui-même, il se demandait aussi : « Oui, pourquoi, pourquoi ?… » Pourquoi menait-il cette vie mondaine dont il connaissait tout le vide ? Pourquoi faisait-il son habituelle société de ces femmes, de ces hommes qui établissaient le plaisir comme souverain de leur existence ? Il en était venu là après la mort de son frère, pour s’étourdir, pour oublier son isolement moral. Les voyages, les études qu’il aimait occupaient une partie de ses journées ; l’autre, il la livrait au monde, qui lui donnait l’enivrement de l’orgueil et des jouissances brèves, qui l’aidait à se pénétrer d’égoïsme, de froid dilettantisme. Ah ! qu’il était donc facile de se faire une âme de sceptique, dans un milieu tel que celui où il vivait ! Et comme il pouvait y cultiver ce mépris de la femme violemment surgi en lui, après la triste expérience de son frère !

Il s’assit au piano pour accompagner Roselyne.