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LES DEUX FRATERNITÉS

heurtait à quelque résistance, de rappeler qu’elle lui devait tout et qu’il pouvait tout supprimer.

Claudine avait été, pendant ces séjours chez Prosper, la compagne de jeu d’Alexis Louviers et de Léon Morand, le fils de Zélie. Celle-ci, veuve une seconde fois et héritière de la fortune de son mari, était venue tenir la maison de son frère qui ne s’était pas décidé à se remarier. Son fils, un gros garçon blond à la fois mollasse et brutal, avait d’abord voulu tyranniser Claudine comme il le faisait pour les camarades plus jeunes ou moins vigoureux que lui, mais la petite fille avait trouvé un défenseur en Alexis. Défenseur un peu singulier, car il ne se privait pas, pour sa part, en y mettant toutefois certaines formes ignorées de son cousin, de la soumettre à sa volonté despotique d’enfant gâté, idolâtré par son père.

Prosper, en effet, avait senti céder son indifférence des premières années devant l’extrême intelligence, l’apparence vive, robuste et décidée, de cet enfant qui était son fils. Bientôt, il l’avait aimé avec une sorte de passion, et Alexis était devenu le maître de la demeure paternelle.

De tous ceux qui habitaient chez le député, c’était Alexis que Claudine préférait. Son âme enfantine avait-elle saisi ce qui différenciait le jeune garçon de son père, de sa tante et de Léon — la droiture, une franchise un peu sèche parfois, une certaine élévation d’âme que ne pouvait malheureusement développer l’éduca-