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LES DEUX FRATERNITÉS

La voix d’Alexis s’éleva, brève et impérative comme à l’ordinaire.

— Passe-moi ces fraises, Claudine. Il ne faut pas te forcer, tu pourrais te faire mal.

Silencieusement, elle lui tendit l’assiette, sans le regarder. Allait-il devenir hypocrite, maintenant, en feignant de la sollicitude pour celle qu’il venait d’accuser près de son père ?

Zélie ricana et dit d’un ton moqueur :

— En voilà des idées ! Laisse-lui donc ces fraises, ça ne peut lui faire que du bien, à cette péronnelle.

— Je ne vous demande pas votre avis ! riposta sèchement Alexis qui avait été élevé selon les principes modernes et ne prenait aucune forme pour répondre à sa tante.

— Oh ! ça te regarde, mon petit ! dit-elle en levant les épaules. Moi, je l’aurais bien forcée à les prendre, mais libre à toi de faire l’aimable, pour une fois.

Il lui lança un noir regard et se mit à manger lentement les fruits parfumés, tandis que son père, pour changer la conversation qu’il craignait sans doute de voir tourner à l’orage, demandait :

— Ils sont nombreux, nos nobles voisins ?

— Le mari, la femme et cinq enfants, je crois. Ils habitaient auparavant rue du Parc-de-Clagny. Le fils aîné, sorti assez récemment de Saint-Cyr, est en garnison ici, aux dragons. Le cadet est séminariste à Saint-Sulpice.