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LES DEUX FRATERNITÉS

qui me manquait encore. Me voilà en passe d’arriver à quelque chose.

Il se renversa sur sa chaise et rejeta en arrière sa chevelure noire qu’il portait un peu longue.

— Oui, je veux arriver loin. Pour cela, il faut que je me fasse une grande popularité.

— Tu réussiras, car tu as du bagou, tu sais faire prendre aux imbéciles des vessies pour des lanternes, dit Morand en se servant un verre de sauternes. Allons, sers-toi, ces huîtres sont exquises. On m’en sert tous les jours, c’est mon grand régal. Et alors, nous allons t’avoir à Paris, naturellement ?

— Oui, j’y aurai un pied-à-terre, tout au moins. J’avais envie d’acheter le château de Moranges, en Seine-et-Oise, mais j’ai réfléchi que j’en jouirais peut-être pas encore beaucoup, car je serai sans cesse en déplacements. Je compte faire quantité de conférences aux quatre coins de la France, pour me faire connaître. Et puis, s’il y a une bonne petite grève à chauffer…

— Ah ! oui, surtout ! dit Morand avec un gros rire. Tu seras parfait pour ça. Je t’entends d’ici, laissant déborder les flots de ton indignation contre les accapareurs, les exploiteurs du peuple… Oh ! là, là, les belles phrases !

Prosper riait aussi, tout en détachant lentement un mollusque de sa coquille et en le portant à sa bouche.

— Délicieuses, tes huîtres, mon vieux ! C’est du choisi, ça !

— Oh ! tu sais, il me faut du bon ! comme je