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LES DEUX FRATERNITÉS

Zélie l’écoutait avec attention, sans pour cela perdre une bouchée des plats choisis présentés par la femme de chambre. Jules Morand, lui, semblait tout absorbé dans l’importante fonction qui consistait à remplir son estomac et à l’arroser de liquides variés, tous d’excellents crus. Depuis l’arrivée de sa femme, sa physionomie joviale de bon vivant était devenue maussade et sa grosse verve habituelle paraissait complètement éteinte.

En revanche, Zélie semblait fort à son aise, et sa physionomie généralement un peu froide et moqueuse exprimait une très vive satisfaction, causée sans doute par le succès de son frère.

— Alors, maintenant, il ne te reste plus qu’à te remarier, Prosper ? dit-elle à la fin du dessert, quand la femme de chambre eut apporté le café.

Il eut un geste vague.

— Oh ! nous avons bien le temps de penser à ça ! Laisse-moi jouir un peu de ma liberté. Ce n’est pas que la pauvre Marie-Anne m’ait bien gêné. C’était une bonne pâte, dont je faisais ce qui me plaisait.

— Tu as de la chance, toi ! grommela Jules Morand en attirant à lui le carafon d’eau-de-vie. Une femme dont on fait ce qu’on veut ! Ah ! bigre, je n’ai jamais connu ça, moi !

Zélie éclata d’un rire ironique.

— Pauvre victime, va ! Enfin, tu n’as pas encore trop mauvaise mine, malgré tous les tracas que je te cause et que tu pourrais si bien