Page:Delphine de Girardin - Poésies complètes - 1856.djvu/120

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M’annoncer en riant sa subite fortune.
En cette occasion, une femme commune,
En philosophe, eût pris des airs indifférents
Pour raconter ce legs de six cent mille francs ;
Elle dit :

              « Je suis riche ! … et voilà mon histoire :
Mon parrain, l’Empereur, tu ne vas pas me croire !
A, pour moi, déposé chez un banquier flamand
Une dot — qui grossit je ne sais trop comment.
Le banquier a voulu bien m’expliquer la chose :
Il a parlé de legs, de testament, de clause,
Du secret qu’il avait saintement respecté
Jusqu’au jour révolu de ma majorité,
Des soins qu’il avait pris pour grossir cette somme…
Que sais-je ? il parlerait encore, le brave homme,
Mais je n’écoutais point ; tout cela m’ennuyait.
D’abord c’était trop long, — et puis il bégayait.
Tout ce que j’ai compris, c’est qu’un héros lui-même,
L’Empereur, a veillé sur mon sort. — Que je l’aime !
Combien il me tardait de venir te conter
Ce grand événement, dont je ne puis douter.
Du secret qu’on m’avait caché vois quelle preuve !…
Je vais au bal ce soir… ma robe est toute neuve :
Ma guirlande est charmante ; elle me sied très bien…
J’ai choisi ce collier pour moi… voici le tien :
Point de façons… à toi ma première largesse !
Je veux que mon amie étrenne ma richesse.
Je deviens folle !… Alfred !… ce soir je le verrai :
Oui, mais en lui parlant je crois que je rirai.
Il viendra me prier à danser, je le pense ;
Alors je lui dirai pendant la contredanse :

— Je suis riche à présent, monsieur, vous me plaisez :
Ma fortune est à vous…