Page:Delphine de Girardin - Poésies complètes - 1856.djvu/145

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Puis, lorsqu’on est blasé sur tant de vanité,
Lorsque de ces plaisirs on voit la nudité,
Quand on sait que ce jeu ne satisfait personne,
Que le monde jamais ne rend ce qu’on lui donne…
Sur le passé l’on jette un douloureux regard…
Aux premiers vœux du cœur on revient, — mais trop tard !

Oh ! si chacun faisait ce que j’ai fait moi-même,
Si l’on osait donner sa vie à ce qu’on aime,
On n’éprouverait point de regrets… de remord !
Car c’est un crime aussi que de tromper le sort :
Qu’une femme sans cœur vive pour la parure,
Elle a raison, — et suit l’instinct de sa nature :
Qu’un franc ambitieux, aspirant au pouvoir,
Se,fasse intéressé, — fort bien, c’est son devoir ;
Mais qu’on se fasse ingrat avec une âme tendre,
C’est une impiété que je ne puis défendre.

En tout il faut agir avec égalité ;
Au monde il faut donner ses talents, sa gaîté,
Mais son âme… jamais. — Ah ! je lui rends justice :
Il ne demande pas ce cruel sacrifice ;
Et même s’il vous voit sacrifier vos goûts
À ses lois, — le premier il se moque de vous.
J’aime le monde, moi, — mais ma philosophie
Au dieu des vanités jamais ne sacrifie.
Et si ce monde, un jour, m’a prêté son appui,
C’est que — sans le blesser — je n’ai rien fait pour lui.
J’ai bravé la Fortune… elle m’a visitée ;
Je l’accueille gaîment, sans l’avoir invitée ;
Mais j’aime… et de mon cœur seul je subis la loi.

Vous que le monde ennuie et trompe, — imitez-moi.


Paris, 1833.