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LE MALHEUR D’ÊTRE LAIDE





En vain sur mon malheur, Alfred veut me tromper,
Aux torts qu’il se reproche, il ne peut échapper ;
En vain, il se promet de me rester fidèle ;
Sa tristesse me dit que je ne suis plus belle.
Hélas ! son inconstance est peinte en ses regrets.
Depuis qu’un mal affreux a dévasté mes traits,
Dans mes yeux autrefois embellis par mes larmes,
La douleur elle-même a perdu tous ses charmes.
L’orgueil de mon amour est détruit pour jamais,
Et je crains les regards de celui que j’aimais !
Pourquoi ses tendres soins m’ont-ils rendu la vie ?
Dans la tombe du moins la beauté m’eût suivie ;
La mort ne m’aurait point enlevé son amour,
J’aurais charmé ses yeux jusqu’à mon dernier jour,
Et, rendant à ma cendre un douloureux hommage,
Son cœur serait resté fidèle à mon image !

Maintenant il s’épuise en serments superflus
Pour exprimer encor l’amour qu’il ne sent plus.
Sans espoir de bonheur, sans trouble, sans ivresse,
C’est dans ses souvenirs qu’il cherche sa tendresse,
Et, triste lorsqu’il veut m’admirer aujourd’hui,
Ses yeux sur mon portrait se fixent malgré lui.
Pour être plus sincère, en sa pitié touchante,