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Le vicomte Roger fréquentait les deux mondes,
— Le grand et le demi ; — c’est une volupté,
Lorsque l’on s’est courbé sous des amours immondes,
De traiter en vainqueur quelque altière beauté.

Ce fut un soir de bal, au son de la musique,
Que notre séducteur attaqua savamment
L’imprenable vertu de la fière Angélique,
Qui soutint cet assaut sans faiblir un moment.

Mais quel cœur féminin est-il toujours de glace ?
Quel, de tous les combats, sort-il donc triomphant ?
Roger, c’est tour à tour Werther et Lovelace !
Angèle est sans amour, Angèle est sans enfant.

Toi, qui n’as pas senti les douces allégresses
De la maternité s’éveillant dans ton sein ;
Toi, qui ne connais point les naïves caresses
Et le babil joyeux d’un rose chérubin ;

Toi, qui n’as pour lien qu’un lourd devoir stérile,
Quelle petite voix rieuse chassera
De la Tentation le cauchemar fébrile ?
Qui te protégera ? qui te consolera ?

L’Enfant, c’est la gaîté, l’Enfant, c’est le courage,
C’est le fruit attendu des floraisons d’avril,
C’est le ressouvenir des chansons du jeune âge,
Et c’est le bouclier au moment du péril…

« La victoire est gagnée ! Angélique est vaincue ! »
Ce bruit se répandit bientôt dans tout Paris.
Au club on en glosa : « Hé quoi ! déjà battue !
« Sans nous donner le temps d’établir les paris ! »