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GÉRARD DE NERVAL

autrefois. — Je n’en sais rien. — Vous souvenez-vous du temps où nous étions enfants et vous la plus grande ? —  Eti vous le plus sage !   — Oh ! Sylvie ! — On nous mettait sur l’âne chacun dans un panier. — Et nous ne nous disions pas vous… Te rappelles-tu que tu m’apprenais à pécher des écrevisses sous les ponts de la Thève et de la Nonette ? — Et toi, te souviens-tu de ton frère de lait qui t’a un jour retiré de l’iuau ? — Le grand frisé ! C’est lui qui m’avait dit qu’on pouvait la passer… l’ieau »

Hélas ! ce tutoiement délicieux, qui semble un baiser, n’avait plus pour eux la même saveur qu’autrefois ; leurs lèvres l’avaient désappris, — leurs lèvres et leurs cœurs. Ils se sentaient gênés mutuellement, — elle, parce qu’elle avait remplacé son petit Parisien par un grand campagnard, comme elle avait remplacé son rustique lit à colonnes par une prétentieuse couchette de Parisienne, — lui, parce qu’il devinait au fur et à mesure chacun des changements