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GÉRARD DE NERVAL

ce qui nest perdu que pour moi… »

Assurément, c’était encore là de la folie, mais si poétique et si douce, et qui nous a valu de si belles pages, que nous aurions mauvaise grace & nous en plaindre. Le mot de madame Victorine de Châtenay à propos de Joubert[1] était surtout applicable à Gérard de Nerval, qui avait vraiment l’air d’une âme qui a rencontré par hasard un corps et qui s’en tire comme elle peut. Elle vivait en lui sans s’occuper de lui et s’en absentait même parfois sans sa permission. Gérard n’était pas fou dans le sens grossier du mot : c’était un rêveur qui aimait ses rêves et les rêves des autres.

Ce qui prouve que les hallucinations des autres l’intéressaient, comme une maladie qui lui eût été commune avec un certain nombre d’esprits bizarres et dont il semblait

  1. Je cite souvent ce nom involontairement. Je m’explique pourquoi : Joseph Joubert, moraliste comme Vauvenargues, mais plus proford que lui, est de la même famille intellectuelle que Gérard, dont il est l’aîné.(A. D.)