Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/116

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annoncions le roman avant qu’il fût terminé, ne définissait-il pas mieux l’analyse psychologique que nous tentions, en 1864, de la jeunesse contemporaine ? Mais, à l’heure qu’il est, il est vraiment bien tard pour débaptiser le volume. Et il m’est donné seulement aujourd’hui de prévenir le lecteur que la fabulation d’un roman à l’instar de tous les romans n’est que secondaire dans cette œuvre. Les auteurs, en effet, ont, préférablement à tout, cherché à peindre, avec le moins d’imagination possible, la jeune fille moderne telle que l’éducation artistique et garçonnière des trente dernières années l’ont faite. Les auteurs se sont préoccupés, avant tout, de montrer le jeune homme moderne, tel que le font, au sortir du collège, depuis l’avènement du roi Louis-Philippe, la fortune des doctrinaires, le règne du parlementarisme. »

Et pourtant Renée Mauperin n’a pas le touffu d’un roman social ni l’étendue ou la diversité des autres livres qui l’avaient précédé. C’est une histoire fort simple qui sert de tissu à des observations fines et à des broderies d’exécution. Elle précède de trois ans les petites Benoiton et tous les oiseaux de volière sans cervelle, exagérant le type, qui se sont envolés à la suite de cette Renée charmante dont Paul de Saint-Victor disait justement qu’elle a « l’originalité dans la grâce et l’étrangeté dans le charme. Cherchez bien, après avoir fermé le livre, dans vos souvenirs de romans, vous ne lui trouverez pas de sœurs. Elle est fille unique, pour ainsi dire, et digne, à ce titre, d’entrer dans la famille idéale. »

Elle a été faite, d’après nature, sur une amie qu’avait Jules depuis son enfance, et, au mois d’octobre 1856, c’est-à-dire huit ans avant de l’introduire dans leur œuvre, les auteurs écrivaient d’elle ces