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Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/150

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avaient consenti à la suppression de deux passages. On coupa le baiser qui clôt le second acte, baiser pourtant nécessaire qui marque, dans une âcre émotion, la chute de la femme, et l’effet de scène du troisième acte, dans lequel Mme Maréchal, affolée, se jette, pour le remercier de son intervention, dans les bras de Pierre. On supprima aussi le coup de pistolet.

Mais il importait peu à la cabale qu’on lui eût fait ces grands sacrifices. Les sifflets recommencèrent. La lutte s’organisait au quartier latin, sous l’impulsion d’un certain Georges Cavalier, né à Rouen, ancien élève de l’École polytechnique, stagiaire à l’École des mines, dont Vallès, qui lui avait donné son nom, a fait un croquis curieux : « C’était une tête intelligente mais comiquement travaillée, toute en arêtes, pleine de nœuds, brusquée, heurtée, qui semblait sortie des mains d’un berger des Alpes. L’esprit éclairait ce visage original et non point laid. Sa parole exprimait avec couleur des idées vives. Cette tête à coups de serpe, sur un corps long et sec, comme un bâton de houx, le haché des traits, la roideur des convictions, tout cela me fit penser à ces pipes en racine qu’on vend treize sous dans les bazars… Je soumis la comparaison au jugement de la galerie et au puritain lui-même. Homme d’esprit, il laissa dire et sourit, quand je l’appelai Pipe-en-bois ! » Ce baptême, antérieur de deux ou trois ans à Henriette Maréchal, remontait à l’échauffourée de Gaëtana.

Tel était ce Georges Cavalier qui, au 4 septembre, devint sous-préfet de la Défense nationale, rejoignit Gambetta à Tours, fut attaché au cabinet, eut l’impertinence — dit-on — d’offrir un bock à Lord Lyons, venu au siège du gouvernement pour rencontrer le ministre des Affaires étrangères, et fut enfin nommé par la