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Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/324

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témoin vigilant et intéressé aux tentatives diverses de rénovation et de transformation que voudraient introduire au théâtre quelques rares écrivains, et à la tendance qui s’accentue chaque jour d’adapter le roman à la scène. Et, comme il est dans le tempérament de M. E. de Goncourt de ne se trouver à sa place qu’à l’avant-garde, de se sentir aimanté par toutes les nobles aventures de l’esprit, d’aimer la lutte pour elle-même, dut-il souffrir horriblement par les émotions qu’elle procure, il céda enfin aux sollicitations de M. Porel, directeur de l’Odéon, qui le pressait de mettre à la scène Germinie Lacerteux.

« Mes réflexions — dit-il, dans la première préface de la pièce — m’avaient amené à avoir la conviction que, si l’on ne pouvait créer un théâtre absolument vrai, on pouvait fabriquer un théâtre plus rapproché du livre, un théâtre pouvant être considéré comme la vraie adaptation du roman au théâtre. Et le secret de cette révolution était simplement pour moi dans le remplacement de l’acte par le tableau, dans le retour franc et sincère à la forme théâtrale shakspearienne.

« En effet, l’acte est, pour moi, la combinaison scénique la plus besoigneuse de convention, la combinaison encourageant le mieux l’ingéniosité du petit auteur dramatique contemporain, la combinaison resserrant et comprimant une action dans une sorte de gênante unité, descendant des vieilles unités de nos vieilles tragédies, la combinaison défendant aux situations d’une œuvre dramatique de se développer dans plus de trois, quatre, cinq localités, et faisant entrer de force des choses et des individus dans un compartiment scénique qui n’est pas le leur, et amenant dans des milieux invraisemblables des personnages de toutes les classes, de toutes les positions sociales… J’ai donc