Aller au contenu

Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/327

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une exagération manifeste. M. F. Sarcey dit de Germinie qu’elle est une pièce « invertébrée et ennuyeuse, une lanterne magique ». M. Bernard Derosne une « œuvre informe et déconcertante » ; M. Besson une « puante pièce fantôme » ; M. Vitu improvisa hâtivement ces jugements sommaires : « Il n’est pas un seul mélodrame de l’ancien ou des derniers temps où les peintures des basses classes de Paris ne soient mises en scène avec une verve, un coloris, un relief et une vérité autrement saisissants… La psychologie de M. de Goncourt travaille dans les cervelles de carton avec un style de fer-blanc… Je plains Mlle Réjane du rôle honteux et dégradant auquel M. de Goncourt l’a condamnée. » M. L. Herst, du Petit Journal, eut l’honneur de donner le coup de pied final : « Sur tout ce débordement voulu de sanie humaine, il plane un ennui colossal, irrémissible. Devant le bâillement immense, l’indignation tombe. La pièce mourra aussitôt née, comme ces êtres mal construits que la scrofule ronge au berceau. C’est la consolation ! »

Ces quelques passages qui s’adressent à l’œuvre d’un des rares écrivains qui sont l’honneur des lettres, à notre fin de siècle, et qui, par la dignité de sa vie et le respect de son œuvre, est un haut exemple de moralité et de talent, méritent d’être enchâssés dans l’histoire de Germinie. On n’attend pas de nous que nous les réfutions. Toute tentative nouvelle se bute aux esprits dont le siège est fait, et l’humanité est restée la même depuis les batailles épiques du romantisme.

Le public se porta, avec un intérêt chaque jour croissant, jusqu’à la quarantième représentation de Germinie et la pièce n’a disparu alors de l’affiche qu’à cause du départ de Mlle Réjane obligée d’aller créer Marquise de M. Victorien Sardou, au Vaudeville.