Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en vers, un incroyable drame d’Étienne Marcel, sur la terrasse des Feuillants, averti de l’heure de la rentrée à la maison par la musique de la garde montante se rendant au Palais-Bourbon, et, les rares fois où il se montrait au collège, passant la classe à illustrer Notre-Dame de Paris de dessins à la plume dans les marges… »

Ainsi se passa la jeunesse de Jules, jeunesse laborieuse s’ouvrant entre l’affection de sa mère et de son frère Edmond. Sur l’éveil du sentiment profond qui unit, dès l’enfance, Edmond et Jules, on trouvera çà et là, dans les Frères Zemganno, des détails admirables de rendu et de fraîcheur. C’est Livre du souvenir que devrait avoir pour titre ce touchant ouvrage, aussi personnel que le Journal lui-même, car, en pleine possession de son talent, par une évocation puissante, Edmond de Goncourt l’a écrit dans l’effusion de son cœur.

Voici les portraits de la jeunesse des deux frères : « L’aîné avait de sérieuses qualités de franc et dévoué camarade, et cela, avec sur sa figure grave, un bon et doux sourire en éclairant la gravité un peu triste. Le plus jeune, lui, avait fait tout de suite la conquête de tous, par son entrain en société, ses badinages gamins, un rien même de taquinerie qu’il savait rendre caressante, et par le remuement, et par l’animation et par le bruit qu’il jetait dans l’ennui, l’embêtement de certains jours, et par la séduction indéfinissable d’un joli, plaisant et vivant être au milieu d’individus soucieux, et par ce charme, dérideur des fronts qu’(il) secouait et répandait autour de lui depuis son enfance… »[1] Et plus loin : « Les deux frères ne s’aimaient pas seulement, ils tenaient l’un et l’autre par des liens mysté-

  1. Les Frères Zemganno, p. 199 et 232.