Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/57

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tout entière, et, sans une seule interruption, sa planche fut livrée exactement.

À la rédaction du Paris qui accolait à son titre le jour de la semaine Paris-Lundi, Paris-Mardi, et paraissait à quatre heures et demie, avec le cours de la bourse et le bulletin des théâtres, vinrent se joindre des écrivains qui avaient déjà une véritable situation littéraire. Méry, Gozlan, Alphonse Karr, Xavier de Montépin, Gaiffe, Théodore de Banville y travaillaient régulièrement et les Goncourt y publièrent la meilleure part des articles qui ont été liés en gerbe et réédités, en 1886, sous le titre de Pages retrouvées.

La presse traversait alors un de ses défilés les plus dangereux et les plus difficiles. Le régime impérial n’imposait pas seulement silence sur la politique, il s’était fait le gardien de la moralité publique. Au début même du Paris, dans le mois qui suivit son apparition, prend place une aventure superlativement bouffonne. Le 15 décembre 1852, en première page, était publié un article intitulé : Voyage du no 43 de la rue Saint-Georges au no 1 de la rue Laffitte ; autrement dit : de la maison des auteurs aux bureaux du journal. Il racontait l’envoi d’une petite toile de Diaz, d’un sujet galant, que Mlle Nathalie, pensionnaire de la Comédie française, avait offerte à sa camarade Mlle Rachel et que celle-ci, offusquée, s’était empressée de renvoyer. Les auteurs avaient copié, dans la bibliothèque de Jules Janin, les lettres fort mordantes qui avaient été échangées entre les deux femmes et, pour décrire le sujet traité par le peintre, ils avaient emprunté au Tableau historique et critique de la Poésie française au XVIe siècle, que Sainte-Beuve venait de publier et l’Académie de couronner, cinq vers d’un baiser de Tahureau qui dit que Vénus