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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/118

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au canada et chez les peaux-rouges

Centre d’un pays extrêmement riche en céréales, Winnipeg est destiné à devenir le grand entrepôt de grains du Nord-Ouest. Grâce à sa situation topographique qui en fait le point de passage obligé entre les deux océans, la jeune cité sert de trait d union entre les deux extrémités de la confédération dont elle est presque à égale distance. Desservie par plusieurs lignes de chemins de fer qui portent ses produits dans toutes les directions, elle voit s’ouvrir devant elle le plus bel avenir et sera bientôt le Chicago du Canada. Ses larges chaussées demandent à grands cris des habitants et leur tracé actuel suffirait à contenir 100,000 âmes. Winnipeg les aura sûrement en l’an de grâce 1900 et sans doute même avant cette époque.

Winnipeg est essentiellement et presque exclusivement une ville anglaise. C’est en face de Winnipeg, sur la rive droite de la rivière Rouge, que se trouve la population canadienne-française groupée dans la petite ville de Saint-Boniface. Ah ! la différence d’aspect est grande quand on passe de Winnipeg à Saint-Boniface, c’est-à-dire de l’opulence à une honnête aisance. Ici, plus de palais, de magasins somptueux, de lumière électrique, tout ce qui en un mot décèle à première vue la présence d’une cité fortunée. Les chaussées sont cependant presque aussi larges qu’à Winnipeg et le plan d’agrandissement de la ville est tout tracé. La race canadienne-française est assez tenace et assez laborieuse pour grandir et prospérer à l’ombre de Winnipeg, mais quelques renforts d’émigrants lui seront nécessaires pour empêcher la balance de trop pencher au détriment de Saint-Boniface.

La population métisse, qui sur les bords de la rivière Rouge est en grande majorité métisse-française, est assez nombreuse à Saint-Boniface et aux environs. Le demi-sang (half breed) comme l’appellent les Anglais, est facilement reconnaissable à son teint bronzé et à sa physionomie plus indienne que blanche lorsqu’il est au premier degré d’alliance. Il participe des qualités et des vices des deux races, mais, comme chez tous les peuples mêlés, semble avoir eu surtout en partage les défauts de celles-ci. Au point de vue de la colonisation il ne peut être qu’un appoint, car s’il est brave, intelligent et observateur, il a trop dans le sang l’indolence et le peu de goût au travail du sauvage ainsi que son penchant très accusé pour les boissons alcooliques. Dans les rues de Saint-Boniface il n’est pas rare de rencontrer des femmes mé-