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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/130

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le manitoba et le nord–ouest

qu’une troisième rattache au lit de sa mère. Celle-ci peut, de cette façon bercer son enfant sans être obligée de se lever et apaiser ainsi ses pleurs et ses cris. Un peu plus loin se trouve une balançoire d’enfant fort primitive, car le siège en est formé avec un rondin. La pièce est très simplement meublée ; aux murs sont accrochées des images de piété. Dans un cadre entourant un coussin de velours rouge est déposé un clou qui au dire de Riel, lui aurait été envoyé de Rome par le Pape comme provenant de la vraie Croix. Cette version, qui est accréditée à Saint-Vital, ne repose, à vrai dire, sur rien d’authentique. Un beau portrait de Riel complète l’ornementation. Ce portrait est, dit-on, le plus ressemblant de tous ceux qui aient été faits et remonte à plusieurs années, car Riel n’a jamais voulu, dans ces derniers temps, laisser prendre sa photographie, ne voulant pas que son image servît d’objet de spéculation.

À côté de la demeure de Riel se trouve un petit bois aux sentiers sans nombre dans lequel le prophète métis aimait à se retirer. Là il était introuvable, même pour les siens.

L’infortunée femme de Riel n’était pas encore veuve à l’époque de notre visite à Saint-Vital, mais elle ne semblait que trop prévoir le malheur qui allait l’atteindre, et un indéfinissable sentiment de tristesse emplissait tout son être. Le coup fut trop rude pour cette femme dévouée et, quelques mois plus tard, ses deux enfants étaient complètement orphelins.

Saint-Vital n’est qu’un hameau où l’on voit encore les cabanes primitives des Métis, grossièrement construites avec des troncs de sapin et de la terre. Quelques rares ouvertures éclairent seules ces sombres demeures. Les Métis autrefois presque seuls habitants des bords de la rivière Rouge, ont quelque peu déserté ces parages, reculant devant l’immigration anglaise, pour aller s’établir au Nord-Ouest, sur les rives plus solitaires de la Saskatchewan. Leur place a été aussitôt prise, notamment par les Mennonites, dont les nombreuses colonies peuplent la frontière des États-Unis.

C’est dans le but de parcourir cette région que nous prenons, en compagnie de l’élite de la société canadienne-française de Winnipeg, un train spécial, gracieusement offert par la Compagnie du Pacifique, pour descendre à Otterburn, près de la rivière au Rat, ainsi nommée sans doute en raison de la couleur et du parfum peu agréable de ses eaux.