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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/138

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le manitoba et le nord–ouest

Nous passons successivement à Portage-la-Prairie, qui est une petite ; ville, à Brandon, Virden, gros bourgs nés d’hier qui croissent rapidement et possèdent des succursales de banque et un journal. Au Lac-aux-Chênes (Oak Lake) nous prenons au passage un habitant de cette localité qui nous apprend que là se trouve un centre canadien-français comprenant 70 familles. Depuis peu de temps 10 familles sont venues de France s’adjoindre à ce groupe. Ces familles sont toutes originaires de la Haute-Loire et elles attendent un nouveau convoi de compatriotes. L’élément français est peu répandu de ce côté et, une fois sorti du Manitoba, nous ne rencontrerons plus sur notre route directe que des Canadiens-Français isolés.

Aux limites du Manitoba, les habitations se font rares et les stations sont de plus en plus éloignées. L’horizon s’étend à perte de vue et pas un arbre ne le coupe. Là où il n’y a point de culture, une herbe courte et sèche recouvre le sol. De temps à autre on traverse une coulée. C’est une dépression, à qui les Espagnols donnent le nom de barranco, et les Hispano-Américains celui de quebrada, qui cache ordinairement un cours d’eau abrité sous le feuillage. La végétation, qui y est assez abondante, cesse brusquement au sortir de la coulée, et l’on attribue cette nudité de la plaine à l’action dévastatrice des feux de prairie, qui ne s’arrêtent qu’au bord des ravins ou des rivières.

C’est à l’automne que les feux de prairie courent comme le vent à travers les herbes sèches. Qu’il tombe une étincelle le long de la voie ou que le feu soit mis exprès ou par mégarde dans la prairie, l’incendie se communique de proche en proche et atteint des étendues considérables. Le jour, les feux sont déjà fort curieux à observer, mais la nuit le spectacle est grandiose, surtout quand le train marche entre deux rangées de flammes. Rien ne résiste à ces incendies et lorsqu’un obstacle naturel ne les arrête pas, le colon qui a des récoltes à préserver, doit prendre soin de retourner la terre tout autour sur une assez large étendue, afin d’enlever au feu son aliment et de briser son action. Lorsque le vent est violent et l’herbe haute, le feu gagne avec une rapidité incroyable. Les buffles, au temps où il y en avait encore au Canada, étaient souvent enveloppés par les flammes et la vitesse de leur course ne les préservait point toujours du trépas. Le chasseur qui se trouve alors dans la prairie, n’a qu’un moyen d’échapper à la tour-