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le manitoba et le nord–ouest

large, qui semble enfoui au fond d’une grande coulée. À la partie orientale, où nous arrivons, il n’y a pour uniques habitants que des maringouins. Ces trop célèbres moustiques touchent, heureusement pour nous, au déclin de leur existence et sont devenus presque inoffensifs.

À une heure d’Indian-Head s’élève Regina, chef-lieu du district d’Assiniboia et capitale du territoire du Nord-Ouest. La nouvelle cité, qui ne date que de 1882, est une ville pour ainsi dire artificielle, car rien, ni au point de vue commercial, ni au point de vue politique ou stratégique, ne justifiait une création aussi peu pratique. Ce coin de terre présente un aspect absolument désolé. Il n’y a pas un seul arbre, et ceux qu’on avait transplantés pour orner la capitale ont refusé de vivre. L’eau fait généralement défaut, et l’on en est réduit à barrer un cours d’eau qui est à moitié sec ou marécageux, selon la saison. Enfin, quand le vent y souffle, et nous ne l’avons que trop bien senti, il le fait de façon à décorner les buffalos les mieux coiffés. C’est, en un mot, une triste résidence, qui paraît tout à fait dénuée d’avenir. Aussi ne peut-on expliquer sa fondation que par des considérations de spéculation de terrains.

La ville est tracée en damier, avec de larges chaussées, tout comme à Winnipeg ; mais, sauf dans le voisinage de la gare, la plupart des rues ne possèdent que quelques maisons dispersées en tous sens. Cela vient de ce que les détenteurs de terrains voulant vendre ces derniers fort cher, on bâtit un peu partout et à grande distance. L’administration donne, du reste, l’exemple de cette incohérence de construction, car l’office gouvernemental est fort éloigné de la gare, dans un endroit tout à fait désert. C’est là que siège l’Assemblée législative du Nord-Ouest. Tout est anglais à Regina, fonctionnaires comme habitants, à l’exception du secrétaire du conseil, M. Forget.

Nous avons trouvé à Regina le plus aimable accueil chez M. Davin, directeur du journal local, The Leader, et ancien correspondant du Standard à l’armée du maréchal de Mac-Mahon. M. Davin[1] nous fait d’abord voir son imprimerie, une grande baraque en bois à un étage. Son journal, qui paraît une fois par semaine, est établi très modestement, car la clientèle est peu nombreuse et la main-d’œuvre fort chère : un ouvrier ne se paie pas moins de 16 piastres (80 francs)

  1. Depuis, député de Regina au Parlement fédéral.