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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/163

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RIEL ET L’INSURRECTION DES MÉTIS

épargnées et le Trésor canadien n’aurait pas eu à débourser 10 millions de piastres (50 millions de francs) pour payer les frais de la guerre.

Le procès de Riel s’ouvrit le 20 juillet à Regina. Le tribunal était composé du magistrat stipendiaire Richardson et de six jurés, conformément à la législation des Territoires du Nord-Ouest. Riel était assisté de MM. F.-X. Lemieux et Fitzpatrick, avocats de Québec, et une souscription avait été ouverte pour couvrir les frais de sa défense.

Les avocats de Riel commencèrent par contester la compétence de la juridiction, puis plaidèrent la folie de leur client, malgré l’opposition de celui-ci qui protesta vivement contre ce système et se défendit avec une énergie et une éloquence rares, faisant valoir surtout la justice de la cause qu’il soutenait et les droits méconnus des Métis. Les témoignages entendus ne furent pas d’accord sur la responsabilité de Riel, les uns le considérant comme parfaitement sain d’esprit, les autres comme irresponsable. Le 4 août, le jury rapportait un verdict de culpabilité, mais avec recommandation à la clémence de la cour. Malgré cela, le juge Richardson tint ce langage à l’accusé : « Je ne puis pas entretenir d’espoir pour vous et je vous conseille de faire la paix avec Dieu. Pour moi, un seul devoir pénible me reste à accomplir : c’est de prononcer la sentence contre vous. Si on vous épargne la vie, personne n’en sera plus satisfait que moi, mais je ne puis entretenir aucun espoir de ce genre. La sentence est que vous, Louis Riel, serez conduit au corps de garde de la police à cheval de Regina, d’où vous venez, et gardé là jusqu’au 18 de septembre prochain, et de là au lieu de l’exécution, où vous serez pendu par le cou jusqu’à ce que la mort s’ensuive. Que Dieu ait pitié de votre âme ! »

Portée en appel devant la cour du Banc de la Reine à Winnipeg, la décision des premiers juges fut confirmée purement et simplement. C’est alors qu’un recours suprême fut adressé au Conseil privé à Londres, pendant qu’un sursis était accordé à Riel jusqu’au 16 octobre d’abord, et ensuite jusqu’au 10 novembre.

Nous étions à Regina au moment même où le sursis d’exécution venait d’être notifié à Riel. Celui-ci, qui depuis plus de quatre mois, était en prison, avait déjà beaucoup changé. Ses forces l’abandonnaient par moments, et lui, qui avait toujours été impassible, versait parfois