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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/177

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LES PEAUX-ROUGES

de marchands endimanchés, de misses tirées à quatre épingles, de Métis, de Sauvages et de Sauvagesses drapés dans leurs couvertures de laine multicolores. De tous les Peaux-Rouges que nous avons pu apercevoir jusqu’ici, ce sont les premiers dont le visage soit peint en rouge carmin.

Calgary est une ville qui date de 1882 et compte plus de cent maisons après trois années d’existence. Sa position, au débouché des Montagnes Rocheuses et à l’entrée de la Prairie, sur un sol fertile, au centre d’une contrée d’élevage et dans le voisinage d’une région houillère, lui assure le plus bel avenir et en fera le Winnipeg du Nord-Ouest, comme rapidité d’expansion et comme importance future. Ses rues sont droites et larges, mais n’ayant jamais eu aucun entretien, elles sont raboteuses et hérissées de pierres de toute dimension ; le traditionnel trottoir de bois est encore une exception. Ses maisons de bois semblent à peine fixées sur le sol, et nous ne fûmes pas peu surpris, quelque temps après notre arrivée, de voir marcher un de ces bâtiments. Son propriétaire, trouvant la position défectueuse, le changeait tout simplement de place en le soulevant à l’aide d’un cric et en le faisant rouler. Ce n’est pas plus difficile que cela à Calgary. La ville naissante possède déjà un journal, des églises ou plutôt des chapelles de différents cultes, des banques qui, en Amérique, servent de marraines aux cités d’avenir, et des boutiques où se débitent côte à côte sur le même comptoir les marchandises les plus disparates.

Entre les différents hôtels qui s’élèvent au sein de la cité, nous prenons gîte au principal, le Royal-Hôtel, qui ne justifie son nom ni par son aspect extérieur, ni par son confortable intérieur. C’est une simple maison de bois à un étage qui n’a coûté que 500 piastres (2,500 francs) à son propriétaire pour l’acheter démontée, la faire venir et remonter à Calgary. Nous y trouvons tout juste deux chambres, c’est-à-dire deux mansardes pour les dames, qui ne peuvent entrer et sortir de chez elles qu’en traversant tout au long un grand couloir-dortoir qui est notre seul abri à nous autres hommes. On accède aux « appartements » par un escalier raide et sans rampe, à qui le nom d’échelle conviendrait davantage. Les mansardes, séparées par de simples planches mal jointes, n’ont pour tout éclairage qu’une lucarne basse sans carreau ; quand on la ferme, on est dans l’obscurité complète. Dans notre grand couloir, toutes les couchettes se touchent sous l’angle formé par la toiture ; les