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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/184

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AU CANADA ET CHEZ LES PEAUX-ROUGES

gouvernement, véritables souverains au petit pied, n’abusent que trop souvent de leur situation pour détourner à leur profit une bonne part des envois destinés aux Sauvages et ne leur donner que des marchandises avariées. Les réclamations, quand il y en a, ne parviennent généralement pas à destination, et leurs auteurs ont souvent à s’en repentir. En outre, chasseurs et mineurs ne se gênent pas pour envahir les réserves qui leur plaisent et en chasser les Indiens à coups de carabine. Le bon droit est incontestablement du côté du sauvage contre l’homme civilisé, mais 99 fois sur 100 c’est ce dernier qui a gain de cause. Que voulez-vous, l’Indien est considéré comme un animal malfaisant, et on ne rend pas justice aux animaux !

Au Canada on pense bien quelquefois de cette façon, mais il faut reconnaître que l’on passe rarement de la parole à l’action. Il y a bien des abus, des exactions, mais quand ils ont pour conséquence d’amener un soulèvement comme celui de 1885, on y regarde à deux fois avant de les tolérer. Il faut ajouter qu’il y a aussi au Canada un élément de pacification et de justice qui n’existe pas de la même façon aux États-Unis : je veux parler des missionnaires catholiques. Presque seuls, ils ont pu acquérir une influence sur les Sauvages, par leur esprit conciliateur et tolérant. Faisant plus de civilisation que de prosélytisme, voyant dans les Peaux-Rouges des hommes et non des parias, s’efforçant de redresser toutes les injustices qui leur sont faites, ils ont acquis sur eux une influence infiniment supérieure à celle de tous les représentants de l’Indian Office.

Le P. Lacombe nous ayant fait faire la connaissance de Tête-de-Bœuf, chef des Sarcis, ce sachem nous invite à visiter son wigwam. Pour y arriver nous traversons tout le camp, au milieu des aboiements redoublés des chiens, toujours prêts à se précipiter sur les visiteurs comme leurs congénères les chiens kabyles. De dessous chaque tente sort un Indien avec sa squaw et ses enfants plus ou moins vêtus et plus ou moins noirs. L’arrivée d’une caravane comme la nôtre est un événement ; aussi chacun a-t-il mis le nez dehors. Sur notre passage nous apercevons des brancards indiens qui n’ont pas coûté grands frais d’exécution. Deux grandes perches ajustées en forme d’X, mais inégalement croisées et reliées dans la partie la plus large par des traverses, tel est, dans toute sa simplicité, le mode de transport le plus usité chez