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LA ROBE DE SOIE


Jacques, pourtant, n’avait pas une âme vulgaire ;
Il s’était bien conduit dans la dernière guerre,
Il était bien trempé pour lutter, ne sachant
Ni trembler en poltron, ni parler en méchant.

Madeleine et François rentrèrent de l’école.
Les marmots sont toujours pleins d’une gaîté folle ;
Ils sont l’insouciance, et les pleurs devant eux
Se sèchent : le chagrin s’enfuit d’un vol honteux.

On vécut quelque temps sur l’épargne secrète
Que la mère enfermait pour les grands jours de fête
Ensuite, l’on cassa la tirelire ; l’or,
Que rendirent ses flancs violés, put encor
Suffire une semaine au pain de la famille.
Le père avait placé, pour sa petite fille,
À la caisse du pauvre un bien mince trésor :
Il le prit ; mais, soudain, il se sentit moins fort :
J’ai volé, disait-il, la dot de Madeleine.
Car sa fille, c’était son idéal, sa reine,
Le clair miroir vivant de son premier amour !
Il en avait été fou dès le premier jour,
Il l’adorait ; l’enfant était fragile et pâle,
Elle toussait souvent quand soufflait la rafale
En décembre, et son œil avait des cercles bleus.
Que de soins, nuit et jour, un enfant souffreteux
Réclame ! Comme on doit le veiller ! qu’il sommeille
Ou qu’il bourdonne, ainsi qu’en juillet une abeille.
Plus il donne de mal et plus on le chérit,
Et tout est oublié, du moment qu’il sourit,