Page:Demolder - Le Jardinier de la Pompadour, 1904.djvu/100

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eux. C’étaient des gens du commun, cela se voyait à leur gloutonnerie. Même qu’un abbé à qui je demandais un biscuit m’a répondu : fais un péché pour l’avoir, embrasse-moi sur la bouche ! J’ai eu grand’honte et je cours encore. Après le bal on m’a plantée là. Heureusement que je ne suis pas empruntée. Ma maîtresse était montée dans un fiacre avec le domino noir et un autre masque. Depuis nous voyageons beaucoup de Paris à Versailles. Ma maîtresse fut à la Comédie Italienne où il y avait la Reine, le Roi et les plus puissants personnages. Tu vois qu’elle est dans les honneurs et tout cela pour un mouchoir. Après nous sommes restées plusieurs jours au château de Versailles. C’est un palais cent fois plus beau que le Louvre et entouré de jardins qui te feraient tourner la tête. Ma maîtresse changeait d’habits à toute heure. Tantôt elle était en satin bleu, tantôt en satin blanc, puis en rose. Elle avait emmené un coiffeur de Paris. Il fallait voir voler la poudre ! On ne ménageait ni les parfums ni les onguents. La chambre fleurait comme une cassolette. C’est nécessaire à la Cour. Un jour le Roi a invité Mme d’Étioles à souper avec une duchesse, un prince et un ministre.

Tu penses si je suis fière d’être savante pour te raconter tout cela. C’est pourtant grâce à ton oncle qui m’a montré à écrire. Cela me coûte six liards de papier, mais je ne les regrette point puisque j’ai la chance de te faire porter ce cahier d’écrit par le valet du marquis d’Orangis qui est venu me voir.

Garde bien pour toi tout ce que je te dis et toutes les tendresses de ta petite reine Martine.

Jasmin relut vingt fois cette lettre. Naïf il ne perçut pas d’emblée le rôle que Mme d’Étioles jouait dans