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XV


Tous ces événements avaient anéanti Buguet. Durant l’hiver, Martine vit son mari penché des jours entiers sur les livres de M. de la Quintinye, mais le soir descendait sur la même page que l’aube avait éclairée. Et qu’importait à Buguet les lois de l’horticulture ! Il avait planté un paradis et il ne pouvait oublier qu’il en était chassé ! Des souvenirs poignants se bousculaient en lui.

Les époux ne parlaient jamais du passé, sentant que des paroles les eussent fait souffrir davantage et que les consolations étaient inutiles.

Mais pour distraire Jasmin, Martine se prit à l’exciter au travail. Émoussant les arbres fruitiers pendant le jour, au soir elle fourbissait les sécateurs, la serpette, l’égoïne, dont la rouille rongeait les lames. Une nuit de gel que la faucille sortait brillante de ses mains, elle dit à Buguet :

— Vois-tu, mon pauvre homme, si tu le veux, nous pouvons aussi nous décrasser de notre misère. Le présent n’est pas pire pour nous que pour les autres.