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V


En avril Buguet reçut de Martine la lettre que voici :

Mon cher Jasmin,

J’ai bien pensé à toi depuis l’Épiphanie où je fus reine de la fève et te pris pour roi — par devant ta bonne mère. Mais en moins de deux mois il est arrivé des aventures !

On doit savoir à Boissise-la-Bertrand que le 25 février le Roi a donné un grand bal en son palais de Versailles. Ce qu’on ne sait point, c’est que ma maîtresse y était, et moi aussi. Garde ça pour toi, c’est un secret. Mais j’en ai trop lourd sur la langue, il faut que je bavarde.

Ma maîtresse était déguisée en domino blanc de la plus belle soie, avec des ruches et des nœuds flottants couleur de rose. Son masque était blanc aussi. Il vient de Venise. Dans cet accoutrement sa mère elle-même n’aurait pu la reconnaître. Moi, j’étais en un domino de taffetas noir dont le bruit m’assourdissait au moindre mouvement. Avec ça mon masque me chauffait les joues.

Il était plus de minuit quand nous sommes arrivées à Versailles en carrosse. Dès qu’on fut en vue du château qui était éclairé tout en haut de l’avenue, les chevaux n’avancèrent plus qu’au pas. Je me consolais de cette lenteur