Page:Denikine - La décomposition de l'armée et du pouvoir, 1922.djvu/117

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immédiatement l’élaboration du régime autonome de l’Ukraine. Le 11 juin, la Rada promulgua un édit sur l’autonomie de l’Ukraine et constitua un secrétariat (Conseil des Ministres) sous la présidence de Vinnitchenko. Les négociations conduites par les envoyés du Gouvernement Provisoire, les ministres Kérensky, Terestchenko et Tsérételli, aboutirent à la déclaration du 2 juillet dans laquelle le Gouvernement, devançant la décision de l’Assemblée Constituante, reconnaissait, à quelques réserves près, l’autonomie de l’Ukraine.

En s’emparant peu à peu de l’administration, la Rada et le secrétariat amenaient une dualité de pouvoir sur les lieux, discréditaient le pouvoir panrusse, provoquaient des dissensions intestines et fournissaient des justifications morales à ceux qui refusaient de faire leur devoir de citoyen et de soldat vis-à-vis de la Patrie commune. Pis que cela : dès le commencement de son existence, la Rada Centrale manifesta des sympathies progermaniques et, par l’intermédiaire de l’ « Union pour la libération de l’Ukraine », entretint, sans aucun doute, des rapports avec les états-majors des puissances centrales. Considérant les nombreux documents et témoignages recueillis par le Grand Quartier, les demi aveux faits par Vinnitchenko à un correspondant français au sujet des sentiments germanophiles au sein de la Rada, et, enfin, le rapport qui me fut présenté par le procureur général près la cour de Kiev, à la fin d’août 1917, je ne doute point du rôle criminel de la Rada. Le procureur général se plaignait de ce que la désorganisation totale des services de contre-espionnage et des enquêtes judiciaires empêchait le ministère public d’éclaircir dûment la situation, mais que « toutes les traces de l’espionnage allemand, de la propagande allemande, des séditions parmi les troupes ukrainiennes, de la circulation occulte de sommes dont l’origine austro-allemande ne laissait aucun doute… toutes ces traces remontaient à la Rada Centrale et s’y perdaient ».

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Le Ministère de l’Intérieur, qui, autrefois, avait détenu le pouvoir autocratique dans sa plénitude et suscité la haine générale, passa alors à l’autre extrême : au fond, il s’effaça complètement. Ses fonctions désagrégées se répartirent entre des organisations locales qui ne tenaient leur pouvoir que d’elles-mêmes.

L’histoire des organes du Ministère de l’Intérieur a beaucoup de points de ressemblance avec le sort du commandement militaire.

Le 5 mars, le ministre-président donna l’ordre de relever de leurs fonctions tous les « gouverneurs » (préfets) et « ispravniks » (commissaires de police ruraux) et de les remplacer, en qualité de commissaires du Gouvernement, par les présidents des « oupravas » (administrations