Page:Denikine - La décomposition de l'armée et du pouvoir, 1922.djvu/160

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Il n’y avait plus de pareils éléments dans l’armée russe. Cependant, les instances du Ministre devenaient si pressantes que le général Alexéiev se crut obligé de lui fournir un exemple palpable : on projeta une petite expédition sur la côte de l’Asie Mineure, à Zoungouldak, si je ne me trompe. Cette opération, sans importance bien sérieuse, nécessitait la formation d’un corps expéditionnaire composé d’un régiment d’infanterie, d’un détachement d’artillerie blindée et d’un petit détachement de cavalerie. Le soin de la constituer fut confié au commandement du front de Roumanie. Or, au bout d’un certain temps, l’état-major de ce front fit savoir, fort perplexe, que le détachement en question n’avait pu être constitué… les troupes ayant refusé de prendre part à la descente.

Cet épisode tenait à la façon trop simpliste dont on comprenait l’idée d’une guerre « sans annexions », idée essentiellement contraire à tous les principes de la stratégie. Peut-être aussi y fallait-il chercher tout bonnement l’instinct de la conservation ; quoi qu’il en soit, c’était d’un mauvais augure pour l’offensive que l’on était en train de préparer.

Cependant, on la prépara malgré toutes les difficultés et toutes les souffrances. Le glaive russe, ébréché et rouillé, allait une fois de plus sortir du fourreau. Seulement, on ne savait pas au juste, une fois mis au clair, sur quelles têtes il allait retomber…