Page:Denikine - La décomposition de l'armée et du pouvoir, 1922.djvu/205

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notre œuvre, et qu’il fera, très rapidement, entrer l’idée révolutionnaire dans les cerveaux trop lents à l’accepter.

LE MINISTRE DE LA GUERRE KÉRENSKY. — En ma qualité de ministre et de membre du gouvernement, je déclare que nous aspirons à sauver le pays et à restituer à notre armée sa force active et son élan offensif. Nous assumons toute la responsabilité, mais cela nous donne le droit de diriger l’armée et de lui montrer la voie du progrès.

Personne ici n’a émis de blâme. Chacun des orateurs a exprimé ses sentiments. Chacun a recherché la cause du désarroi actuel. Mais nous avons tous le même but et les mêmes aspirations. Le gouvernement provisoire approuve — s’il en avait été autrement, je n’aurais pas accepté le portefeuille de la guerre — il approuve, dis-je, le Soviet des députés ouvriers et soldats, dont le rôle a été considérable et dont le travail d’organisation a été des plus fructueux. Personne ne peut rien reprocher à ce Soviet. Mais on ne peut rien reprocher non plus aux officiers, car ils ont senti peser sur leurs épaules, comme le peuple russe, toute la charge de la révolution.

Nous avons tous compris la gravité de l’heure. Maintenant que mes camarades font partie du gouvernement, il est plus facile d’atteindre le but que nous nous sommes marqué. Avant tout, il faut sauver notre liberté.

Je vous prie de regagner vos postes et de vous rappeler que la Russie entière est avec vous et l’armée.

Notre devoir c’est de délivrer le pays complètement. Nous n’y arriverons qu’en prouvant au monde que nous sommes forts matériellement et moralement.

LE GÉNÉRAL GOURKO. — Je vous ferai observer (réplique à Skobelev et à Tsérételli) que nous ne parlons pas la même langue. L’armée ne peut exister sans discipline : c’est le principal, c’est la base de tout. Pour évaluer la résistance d’une troupe nous avons une échelle : c’est le chiffre des pertes qu’elle peut subir tout en conservant sa force offensive. J’ai passé huit mois dans les républiques de l’Afrique du Sud et j’y ai vu, d’une part, de petits groupes de soldats bien disciplinés, d’autre part, des corps de volontaires, insubordonnés. Tandis que les premiers, malgré un déchet de 50 continuaient à combattre et gardaient tout leur élan, les autres, dès qu’ils avaient perdu les 10 % de leur effectif, rompaient leurs rangs et fuyaient le champ de bataille, quoique ce fussent des volontaires sachant bien pourquoi ils luttaient. Aucun pouvoir d’ailleurs n’aurait pu les contraindre à résister. Voilà quelle est la différence entre les troupes disciplinées et celles qui ne le sont pas.

Nous vous demandons de rétablir la discipline. De notre côté