Page:Denikine - La décomposition de l'armée et du pouvoir, 1922.djvu/216

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documents témoignant de la trahison de Lénine, Skoropis – Ioltoukhowsky et d’autres encore. On ne pouvait plus douter que l’ « Union pour la libération de l’Ukraine » (à laquelle prenaient part Mélénewsky et V. Dorochenko ([1]), ne fût une organisation des puissances centrales, pour la propagande, l’espionnage et le recrutement d’éléments séparatistes pour les régiments ukrainiens. Dans une de mes lettres (du 16 mai), à la suite de l’interrogatoire subi par l’officier russe Ermolenko, fait prisonnier par l’ennemi et qui avait pris sur lui de jouer le rôle d’agent de l’état-major allemand, je faisais part du fait suivant : « Ermolenko nous a été renvoyé à l’arrière du front de la 6+ armée pour y soulever l’opinion en faveur de la prompte conclusion d’une paix séparée avec l’Allemagne. Ce fut sur l’instance de ses camarades qu’Ermolenko se chargea de remplir cette mission. Les officiers de l’état-major allemand, Chiditzky et Lioubar, lui firent entendre que les agents de l’état-major allemand, le président de la section de l’ « Union pour la libération de l’Ukraine » Skoropis – Ioltoukhowsky et Lénine remplissaient en Russie les mêmes fonctions d’agitateurs. Lénine était chargé d’user de tous les moyens pour saper le prestige du gouvernement provisoire aux yeux du peuple russe. L’argent à cet effet était fourni par un certain Svendson, employé à l’ambassade allemande de Stockholm… »

De tels procédés avaient été pratiqués de même avant la révolution. L’attention de notre haut commandement avait été attirée sur le fait du trop grand nombre « d’échappés de captivité. » Beaucoup d’entre eux, ayant passé à l’ennemi, s’y préparaient, pendant un certain temps, aux fonctions d’informateurs, ensuite largement rémunérés et munis d’une liste d’affiliés, ils étaient renvoyés sur le territoire russe, au travers des tranchées. Étant dans l’impossibilité de distinguer entre les traîtres et les héros, nous prîmes le parti de les renvoyer tous des fronts européens sur celui du Caucase.

Toutes les représentations du haut commandement, relatives à la position intenable de l’armée dans ces conditions de trahisons en masse, non seulement n’obtenaient aucun résultat, mais encore restaient immuablement sans réponse. Je proposai alors au général Markov d’inviter V.Bourtzev au Quartier général et de lui soumettre les documents secrets concernant la propagande allemande. Pendant ce temps la démocratie révolutionnaire fêtait Rakovski à Odessa. Kérensky, partant de l’idée qu’il était ministre de la guerre de la Révolution, et que pour lui « la liberté de pensée,

  1. Il est curieux que le même Bronstein (Trotsky) qui devait être suffisamment renseigné quant aux rapports secrets avec les états-majors de nos ennemis, écrivit le 8 juillet 1917 dans les « Izvestia » « Dans le journal « Naché Slovo » j’ai désigné et attaché au pilori comme agents de l’état-major autrichien, Skoropis-Ioltoukhowsky et Mélénewsky ».