Page:Denikine - La décomposition de l'armée et du pouvoir, 1922.djvu/227

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l’Okhrana et de l’espionnage international. Tous ces Messieurs Tchernomasov (fonctionnaire de l’Okhrana, agent-provocateur et directeur du journal « Pravda » d’avant la révolution) ; Berthold (idem, rédacteur du « Communiste ») ; Dekonsky, Malinovski, Mistislavsky ; les collaborateurs de Lénine et de Gorky, — Nahamkès, Stoutchka, Ouritzky, Guimmer (Soukhanoff) et quantité d’autres, non moins connus, conduisaient la presse russe à une déchéance morale sans exemple. Ces organes de la presse socialiste différaient seulement d’envergure. Les uns, proches de l’officieux « Izvestia des Soviets des députés ouvriers et soldats » ne faisaient qu’ébranler les bases du pays et de l’armée, tandis que les autres, du type de la « Pravda » (organe des social-démocrates bolcheviks), les détruisaient.

Tandis que les « Izvestia », tout en faisant mainte réserve mentale, demandaient le maintien du gouvernement provisoire, la « Pravda » déclarait que le « gouvernement est contre-révolutionnaire et qu’en suite de cela, il ne peut y avoir entre eux aucun rapport. Le but de la démocratie révolutionnaire — c’est la dictature du prolétariat. » Quant au journal socialiste-révolutionnaire de Tchernov, le « Dielo Naroda », il émettait une formule neutre : « appuyer de toute manière le gouvernement de coalition » ; cependant, « il ne peut y avoir unanimité dans cette question et, ce qui plus est, il ne doit pas y en avoir, dans les intérêts mêmes de la défense sur les deux fronts… »

Alors que les « Izvestia » prêchaient l’offensive, sans toutefois la victoire finale, et se proposaient toujours, « par-dessus la tête du gouvernement et des classes dominantes, de fixer des conditions qui mettraient fin à la guerre », — la « Pravda » se déclarait pour une fraternisation générale, et le journal socialiste-révolutionnaire « Zemlia i Volia » tantôt se désolait de ce que l’Allemagne persistât dans ses désirs de conquête, tantôt demandait la paix séparée. Le journal de Tchernov qui, au mois de mars, considérait que « si l’ennemi était vainqueur, c’en serait fait de la liberté russe », au mois de mai trouvait qu’en appelant à l’offensive « on dépassait les bornes de l’irresponsabilité et de la démagogie, en jouant de la façon la plus éhontée la destinée de la patrie. » Celui de Gorky la « Novaïa Jizn », en la personne de Guimmer (Soukhanoff), finissait par dire cyniquement : « lorsque Kérensky demande qu’on nettoie le territoire russe des troupes ennemies, il dépasse les prérogatives de la technique militaire. C’est d’une action politique qu’il s’agit ici, action politique qui d’ailleurs n’a pas été prévue par le programme du gouvernement de coalition. Car l’évacuation du pays au moyen de l’offensive signifie la « victoire finale… » En général la « Novaïa Jizn » défendait avec une ardeur particulière les intérêts allemands, élevant la voix en toute occurrence, quand ces intérêts étaient menacés soit par les Alliés, soit par nous.

Lorsque l’offensive de nos armées démoralisées aboutit à la