Page:Denikine - La décomposition de l'armée et du pouvoir, 1922.djvu/347

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

technique, mais forte de son moral élevé et de sa discipline réelle ». Il la fit voir « aux jours lumineux de la révolution » mais ensuite « on lui avait injecté, pour la paralyser, un venin mortel ». Kalédine, ataman du Don qui représentait treize armées cosaques, et qui n’avait pas de situation officielle, déclara, en toute indépendance, avec une netteté cassante : « L’armée doit rester étrangère à la politique. Il faut proscrire les meetings, les réunions et les controverses des partis ; tous les Soviets, tous les Comités doivent disparaître. Il faut réviser la déclaration des droits du soldat, relever la discipline sur le front et à l’arrière, rétablir l’autorité disciplinaire des chefs. Aux dirigeants de l’armée, pouvoir absolu ! » Il se trouva un orateur pour discuter ces vérités évidentes : ce fut Koutchine, qui représentait les Comités de front et les Comités d’armée : « Les Comités sont nés de l’instinct de la conservation… il fallait qu’on les créât pour protéger les soldats victimes, jadis, de l’arbitraire… les Comités nous ont donné la lumière et la science… Puis est venue la deuxième phase, celle de la décomposition, de la désorganisation… les « prolétaires conscients de l’arrière » ont été abasourdis par tous les problèmes que la révolution avait soulevés et qu’ils ne pouvaient digérer ». Koutchine ne contestait pas la nécessité de la répression, mais il voulait « qu’elle fût comprise dans la compétence des Comités. » Comment y arriver ? Le programme unique de toute la démocratie révolutionnaire venait de l’indiquer : l’armée ne devait pas aspirer à vaincre l’ennemi, elle devait repousser toute visée impérialiste et accélérer, par tous les moyens, la conclusion d’une paix générale fondée sur les principes de la démocratie… Quant aux chefs, on reconnaissait leur pleine indépendance en matière stratégique et leur prépondérance ( ?) dans le domaine de la préparation militaire et des opérations tactiques ». Le but des institutions révolutionnaires, c’était de répandre leur politique dans les troupes : « les commissaires devaient être les instruments de cette diffusion ; quant aux Comités, c’était à eux de guider la masse des soldats à travers les problèmes sociaux et les questions politiques. On ne pouvait admettre le rétablissement du pouvoir disciplinaire des chefs, etc. »

Que va faire le gouvernement ? Aura-t-il la force et l’énergie de briser les chaînes que lui a forgées le Soviet bolchévisant ?[1] Kornilov a déclaré, à deux reprises : « je ne mets pas en doute, une seule minute, que mes mesures seront exécutées sans délai ».

Et si elles ne le sont pas ? Sera-ce la guerre ?

Il a dit encore : « On n’a la fermeté de les appliquer que lorsqu’on y est forcé par des défaites et des abandons de territoire. Voilà qui est inadmissible. Si les mesures énergiques que l’on a prises sur le front pour relever la discipline ont été le résultat de

  1. En août, au Soviet, les opinions évoluèrent rapidement, à l’avantage des bolcheviks, qui y avaient presque la majorité.