Page:Denikine - La décomposition de l'armée et du pouvoir, 1922.djvu/92

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE X

Le pouvoir : la Douma, le Gouvernement Provisoire ; le Commandement ; le Conseil des députés ouvriers et des soldats.


L’état exceptionnel dans lequel s’était trouvée la Russie — l’état de guerre mondiale et l’état de révolution — commandait impérieusement l’instauration d’un pouvoir fort.

La Douma d’Empire qui, comme je l’ai déjà dit, exerçait dans le pays une autorité indiscutable, renonça, après de longs et ardents débats, à se mettre elle-même à la tête du pouvoir révolutionnaire. Momentanément dissoute par le décret impérial du 27 février, elle demeura loyale et « ne chercha pas à ouvrir une séance formelle », partant de cette considération qu’elle était « une institution législative de l’ancien régime adaptée par les lois fondamentales aux vestiges du pouvoir autocratique manifestement condamné à être aboli[1] ». Les actes ultérieurs se réclamaient d’« une conférence privée des membres de la Douma d’Empire ». Ce fut aussi cette conférence privée qui nomma le comité Provisoire de la Douma D’Empire, lequel, durant les premiers jours, exerça le pouvoir suprême.

Le pouvoir ayant été remis au Gouvernement Provisoire, la Douma et son Comité s’effacèrent, sans toutefois cesser d’exister et cherchant à donner une justification et un appui moral aux trois premiers gouvernements. Mais si le 2 mai, lors de la première crise ministérielle, le Comité revendiqua encore le droit de nommer les membres du cabinet, plus tard il se borna à exiger sa participation à la constitution du gouvernement. Ainsi, le 7 juillet, le Comité de la Douma protesta contre le fait d’être écarté de la constitution du nouveau gouvernement provisoire, formé par Kérensky, — considérant ce fait comme « juridiquement inadmissible et politiquement funeste ». Cependant, la Douma d’Empire avait le droit incontestable de prendre part à la direction de la vie du pays, car ses adversaires mêmes reconnaissaient le service immense qu’elle avait rendu à la révolution, « en lui gagnant du premier coup tout le front et tous les officiers[2] ». Il est certain qu’une révolution ayant à sa tête le Soviet se fût heurtée à une résistance

  1. Milioukov : Histoire de la Deuxième Révolution Russe.
  2. Stankevitch : Mémoires.