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Cet océan de glace, ignoré du printems,
Qui sur ses bords neigeux voit les Scythes errans,
Et l’Araxe arrosant de barbares contrées,
Et le Nil qui cacha ses sources ignorées :
S’il est des nations au fond de ses déserts,
Tout l’univers enfin aurait porté vos fers.
Si tu te plais, ô Rome, à cette guerre impie,
Donne d’abord des lois à la terre asservie ;
Et si des ennemis manquent à ta valeur,
Contre ton propre sein tourne alors ta fureur.
Qui frappe mes égards ? Tes cités en ruine,
Tes temples renversés sur qui l’herbe domine ;
Plus loin des toits déserts et des remparts croulans,
Dont les vastes débris sont épars dans les champs ;
Tes citoyens fuyant de leurs villes désertes ;
Tes campagnes au loin par les ronces couvertes,
Et l’Hespérie en pleurs qui, depuis vingt saisons,
Implore en vain des bras pour creuser ses sillons.
Ah ! le cruel Pyrrhus, ou les armes puniques,
Ont-ils porté le feu dans tes villes antiques ?
Non, non, jamais leur fer ne fit tomber tes murs ;
C’est toi qui dans ton sein portas des coups plus sûrs.
Mais si, par tant de maux dont Rome encor soupire,
Les destins t’entr’ouvraient une route à l’empire,
Ô Néron ! par nos pleurs ne troublons plus les dieux ;
C’est à force de sang qu’ils sont maîtres des cieux.
L’Olympe n’obéit au dieu qui tient la foudre
Qu’au jour où les Titans furent réduits en poudre.
Tu règnes ; tant d’horreurs sont douces aux Romains :
Que d’Annibal encor les mânes inhumains
S’assouvissent de sang aux plaines d’Émathie ;
D’un carnage nouveau que Munda soit rougie ;