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Trois dominos, un basque, une femme savante,
Un malin mameluck à tournure élégante ;
Enfin, d’un air timide et d’un pas chancelant,
Marchait à nos côtés une craintive enfant.
Nous entrons, et déjà, l’éclat de cent bougies
Des masques bigarrés éclairait les folies.
À la faveur du bruit, auprès d’un domino,
Une femme parlait ; j’approche. « De Congo,
Lui dit-elle, on croirait que tu reviens sur l’heure ;
Quel air embarrassé ! penses-tu qu’on demeure
Dans un bal, à Paris, au milieu des festins,
Pour contempler le sort des trop faibles humains ?
Sois donc plus gai, crois-moi : vole auprès de ma fille ;
Vous causerez ensemble ; elle est vraiment gentille !
Il faut prendre avec nous le bon ton des Français,
Et quitter cet air sombre ; il ne va qu’aux Anglais.
On aime le plaisir en ce pays aimable :
Être triste pour nous c’est être insupportable.
Nous sommes bien légers ; mais suis mes bons avis :
Il faut prendre en tout tems les mœurs de son pays. »

Le jeune homme, suivant cette mode gentille,
Abandonne la mère, et court près de la fille :
Il lui parle, il l’enchante, et bientôt à son tour
La jeune demoiselle au monsieur fait la cour.
« Que vous êtes heureux ! dit-elle d’un air tendre ;
Chacun veut vous parler, chacun veut vous entendre.
La danse vous déplaît ; vous êtes sérieux :
Que craignez-vous ?… — Je crains le pouvoir de vos yeux,
Belle Circassienne ! Ah ! daignez satisfaire
Un amant qui fera son bonheur de vous plaire ;
Baissez donc votre masque, et montrez à mes yeux
Ces attraits enchanteurs, riches présens des dieux. »