Page:Depasse - Ranc, 1883.djvu/10

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des mets les plus substantiels et les plus délicats. Rien ne lui manque, pourvu qu’il soit ici. Il respire dans l’air des parfums, des effluves et toutes sortes de sensations subtiles et raffinées qui ne se produisent que pour les amoureux jaloux et violents de Paris. Ces hommes-là savent le monde et la nature sans être sortis de la rue qui les a vus naître. Cependant il n’est pas flâneur ; s’il s’arrête un moment, il repart tout d’un coup comme une flèche. À peine l’a-t-on aperçu, qu’il est déjà loin, envolé, évanoui. On dirait que l’asphalte a pour lui des trappes secrètes où il disparaît à son gré.

Cette nature morale est faite de discrétion, de réserve, de fierté ; avec cela une volonté qui ne faiblit jamais, un cœur qui ne s’égare pas. M. Ranc paraît un de ces hommes rares qui se possèdent pleinement et qui se gouvernent du soir au matin sans fatigue. Il tient toujours toutes ses facultés en bride, ramassé sur lui-même avec une concentration soutenue. Dans l’intimité, avec quelques vrais amis discrets, sa conversation s’anime et pétille, familière et rude, semée de mots à l’emporte-pièce, de renseignements curieux et précis sur les hommes et les choses de son temps. Il n’y a guère de