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devint la teneur de l’Orient. D’autres Belges d’ailleurs acquirent bientôt un grand renom : le comte Robert de Flandre mérita les appellations glorieuses de « fils de saint Georges » et d’« épée des chrétiens ».

Les croisés s’engagèrent alors à travers l’Asie-Mineure. Mais cette marche fut signalée par des souffrances inouïes. Les Turcs avaient dévasté tout le pays. La faim et la soif firent de terribles ravages parmi les chrétiens. Les chevaux et les bêtes de somme périrent. Les hommes eux-mêmes, épuisés, jonchaient la route de leurs cadavres : on vit jusqu’à cinq cents personnes mourir de soif en un seul jour. À la fin de l’année 1097, on atteignit enfin les rivages de la Méditerranée, où les chrétiens purent se rétablir de leurs maux. On rapporte que, dans ces parages, Godefroid de Bouillon vit un jour, à la chasse, un pèlerin poursuivi par un ours, et sur le point de succomber. Le prince s’élança contre la bête monstrueuse et parvint à l’abattre, mais lui-même fut grièvement blessé à la cuisse.

La marche reprise, on ne tarda pas à découvrir la fameuse ville d’Antioche, qui s’élève dans une situation ravissante sur les bords de l’Oronte. Cette immense et riche cité était environnée de remparts formidables munis de trois cent soixante tours. Vingt mille fantassins et sept mille cavaliers la défendaient. On entama les travaux du siège. Mais sur les rives délicieuses du beau fleuve, les croisés s’amollirent, et le désordre s’introduisit parmi eux. Aussi les assiégés, dans une multitude de petits combats, leur infligèrent des pertes cruelles. Ce fut la valeur et la prudence du héros belge qui sauvèrent les chrétiens. Ni casque ni cuirasse ne pouvaient résister au tranchant de sa redoutable épée ; d’un seul coup, il fendit un jour, dit-on, un sarrazin gigantesque tout bardé de fer.

Une moitié chéy sur le prêt verdoyant
Et ly aultre moitié demeura sur Bançant[1]


raconte un vieux poète. Le siège traîna en longueur. Les vivres commencèrent à faire défaut. La famine bientôt se fit, si affreusement sentir, que les chrétiens mangèrent des animaux morts et même des cadavres de Maho-

  1. Nom du cheval.