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la verdure dorée


Brebis graves, chevreaux, ma joie et mon tourment,
Vous gonflerez le soir de votre bêlement
En broutant des lilas aux rouilles des grillages,
Et la rue entendra bruire des feuillages.
Vous bondirez sur les pavés, vous sauterez
Dans les rigoles, boucs de lumière enivrés ;
Et le droguiste en gros pointant ses arrivages
Sentira le parfum des montagnes sauvages ;
Et les vierges au seuil paisible des maisons
Enfonceront leurs mains dans vos chaudes toisons ;
Les yeux fermés, elles verront les îles fraîches,
La forêt bleue où le soleil taille des brèches,
L’écume qui blanchit les arbres du verger
Et les chevaux cabrés dans l’aube et le berger
Qui fumera là-bas, dédaigneux de la gloire,
La pipe de la mort sous la verdure noire.